DEUX GRANDS INTELLECTUELS AFRICAINS ! UNE DEMARCHE COMMUNE QUI M’INTRIGUE.
- Alain Mabanckou
Vous avez sans doute remarqué que sur le visuel qui nous sert d’illustration, la carte de l’Afrique est présentée ‘’à l’envers’’. En fait, elle est bien à l’endroit. Nos remerciements à Pauline Ongono qui a conçu le logo de SEGUIMA VM, notre chaine You Tube. Pour plus de renseignements sur la position et la taille de l’Afrique sur le planisphère cliquez sur ce lien. https://youtu.be/wzLXySZERNw La Guadeloupéenne Safia Enjoylife y présente les choses de façon très démonstrative. Nous avons intitulé l’élément : LA MINIMISATION DE L’AFRIQUE DOIT CESSER.
Pour tout ce qui concerne la géographie et l’histoire du monde, l’Europe a toujours pris des initiatives dans le sens d’une représentation intellectuelle ou mentale complètement trompeuse. Sur la carte du monde, l’Afrique est placée volontairement en bas, l’Europe en haut car le sommet est la place des supérieurs. La taille du continent est amoindrie pour minimiser l’Afrique.
Pendant des siècles, nous avons subi l’esclavage, la colonisation, la néo colonisation et la mondialisation unilatérale. Grâce au sang des martyrs et aux sacrifices multiformes d’une avant-garde révolutionnaire, les consciences africaines sont maintenant décapées, les esprits sont éveillés. La superstructure idéologique coloniale ou néocoloniale à bout de souffle, les forces populaires se sont mises à agir ? Une bourrasque souverainiste balaie les positions étrangères dominatrices. Mais la France officielle ne veut pas lâcher le morceau, elle s’agrippe. Elle a tout essayé : assassinats, complots, coups d’état, corruption, infiltration … L’Afrique résiste. Vieille souris, elle dispose de plusieurs trous. Vous en fermez un, elle en utilise d’autres. Parmi les méthodes qu’elle utilise maintenant, deux se révèlent très efficaces :
- Faire voter des résolutions aux Nations-Unis (Ce club de copains pilleurs) pour contraindre les dirigeants africains à prendre telle ou telle conduite en signant telle ou telle convention. Les ONG (vigiles du système capitaliste) font le boulot sur place.
- Former des intellectuels et des élites africaines dont l’esprit bien formaté par le logiciel français réfléchit toujours en fonction des schèmes occidentaux dans le but de réinvestir leurs idées sur le continent africain.
Je voudrais m’arrêter un peu sur la deuxième méthode, la plus dangereuse car extrêmement pernicieuse. Cela, l’Almamy Samory Touré l’avait tellement bien compris que, quand son propre fils, revenu de France où les Français l’avaient invité, avait commencé à faire l’éloge des merveilles de l’Hexagone, il l’a fait tuer tout simplement. Il avait compris qu’un seul esprit tordu peut manipuler tout un peuple. Comme disait Sékou Touré : « Quand l’intelligence se met au service du mal, il faut l’éliminer. »
Quatre mois après la Révolution sénégalaise, l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou a effectué une ‘’tournée littéraire’’ (rires) qui l’a mené dans des pays comme le Sénégal, le Togo, le Ghana, le Nigéria et la Tunisie. Quatre pays membres de la CEDEAO, dont deux anglophones et un pays du Maghreb. Remarquez que dans la plupart de ces différents pays, la France dispose d’un centre culturel (qui peut prendre une autre dénomination) foyer d’acculturation de nos jeunes. Le conférencier y est chez lui. Il nous est venu comme jadis les missionnaires investis d’une mission dite civilisatrice, par la France colonialiste. Pour nous dire quoi ? Eh ! Bien ! Pour vanter les mérites de la culture française et essayer d’annihiler les velléités revendicatrices de souveraineté culturelle. Thème : « Littérature Monde : Enjeux et perspectives d’un monde de rupture. » Avant d’aller loin, je rappelle la phrase de la sociologue malienne Aminata Traoré « Attention ! Les mots sont des pièges. » Pour éviter de dire homme ou femme, on dit ‘’genre’’ pour inclure les autres que vous connaissez. On parle de ‘’masculinité positive’’, de ‘’parentalité bienveillante’’, de ‘’droits sexuels’’ … Bref, on crée une expression pour chaque nouvelle déclinaison idéologique. Et pour que les Africains acceptent et consomment ces nouveaux concepts, on nous envoie des porteurs… Comment ne pas penser à ces naguère missions civilisatrices qui ont conquis l’âme des Africains pour permettre une colonisation dans la douceur…
Cette fois-ci, nous avons reçu Monsieur Alain Mabanckou, écrivain africain naturalisé français qui rafle l’essentiel des prix littéraires en France dont le Grand prix de littérature de l’académie française doté de 40000 euros. Il a même dédié l’un d’eux à Charlie Hebdo que nous connaissons tous. En 2010 il a été nommé par décret du Président de la République française au grade de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Ce n’est pas peu déh !
« Si le colon dit que je suis bon, c’est que je vous ai trahis. » Ahmed Sékou Touré.
Monsieur Mabanckou nous apporte le nouveau concept ‘’Littérature-monde’’ lancé en 2007 en pleine campagne électorale française par le journal français Le Monde.
J’ai beau chercher sa signification, que du flou. Pourtant, tout ce qui se conçoit bien s’annonce clairement dit-on. N’est-ce pas Boileau ? Ah ! Il y a aussi Musiques du monde, cette émission RFI fourre-tout qu’anime la talentueuse Laurence Aloir. Heureusement que le panafricaniste Claudy Siar nous rend ‘’nos poupées noires’’ avec Couleurs tropicales.
Il est clair, comme l’eau de roche que l’intention cachée dans cette volonté de nous faire ingurgiter insidieusement la potion Littérature-monde, est de bannir le concept ‘’Littérature africaine’’. Pourquoi ? De quoi a-t-on peur ? De l’Afrique qui arrive, au point que l’on trouve nécessaire de la noyer dans un universalisme qui la dévêtît de ses valeurs propres, porteuses d’une identité unificatrice ?
Nous savons tous que la parenté génétique qui lie les langues africaines révèle leur consanguinité culturelle. Observez les valeurs de civilisation africaines. Elles sont pareilles partout, sinon similaires à moins qu’elles ne soient dictées par le regard directif de l’étranger à la bourse dominatrice.
En littérature, ayant hérité d’une tradition d’oralité, nos auteurs peinent à respecter les normes de la Nouvelle en tant que genre littéraire. Prolixes, nous sommes à l’aise dans la concrétion rythmée, colorée, épicée de gingembre et adoucie par l’effet émollient de notre gombo de souche. Nos textes laissent sur l’esprit du lecteur les saveurs de nos plantes arrosées de la sève de nos croyances, leur arôme est enivrant tant que l’écuelle de l’Occident ne remue pas notre sauce.
Le même pouls bat dans nos œuvres littéraires d’Africains. Je n’en veux pour preuve que la récente production de SEGUIMA : C’est l’Afrique (Une anthologie africaine de la Nouvelle) Tout Africain qui lit l’un des vingt-cinq textes s’y reconnait. Ce qui certainement ne sera pas le cas pour un citoyen français ou francisé.
De grâce, dans votre bibliothèque, ne rangez pas ce livre dans le rayon Littérature-monde. Mettez-le dans le rayon Littérature africaine ou même Littérature négro-africaine pour inclure la diaspora issue de la traite négrière.
Ne nous mettez pas dans un universel qui ignore nos valeurs ou les conteste. Prenez-nous avec notre identité ou laissez-nous aller de notre propre pas, libre du bras. Notre littérature est africaine et le restera surtout pour notre idéal communautaire et unitaire.
A bon entendeur, littérairement nôtre…
La suite, ensuite …
Mbegaan Koddu