Il arrive, pour me détendre, lassé des documentaires parfois un peu trop austères, que je fasse du zapping entre quelques séries télévisées. Je vous le dis tout de suite, j’adore les productions burkinabè, ivoiriennes et camerounaises. Ebenezer Képombia dit Mitoumba du Cameroun est mon meilleur réalisateur de séries, mes meilleurs acteurs sont Michel Gohu de Côte d’Ivoire et Halima Gadji du Sénégal.
Au Sénégal, la série ‘’Polygame’’ est pour moi, une grande réussite. Les personnages sont réels, authentiquement sénégalais mais très drôles et bien colorés. Le contenu est très instructif, le style simple mais pédagogique. Les spécialistes pourraient leur reprocher leur manque de mobilité. (Ils jouent souvent assis, presque dans le même espace. Ensuite les femmes sortent des salons de beauté, pour venir jouer. Ce qui fausse le naturel du personnage. Le plus troublant, c’est le port des postiches : les perruques et les faux cils.) Personnellement, ces griefs ne me dérangent pas trop car les personnages sont incarnés par de grands acteurs qui me gratifient de réels moments de bonheur.
Quant aux autres séries jouées actuellement au Sénégal, à peine apparues, que je les zappe. Leurs scénarii relèvent de la culture française avec en arrière-plan, la claire intention de remettre en cause les cultures africaines. Tout tourne autour de l’amour charnel, la diabolisation de l’homme en tant que personnage masculin, la critique des beaux-parents stigmatisés pour être éloignés du couple comme le veut l’esprit occidental trop individualiste, les tenues sont dénudées, les manières et les paroles y sont licencieuses. On y expose des hommes en tresse ou en mouchoir de tête avec des boucles d’oreilles. C’est à peine que l’on distingue ces gens des femmes. Ce qui promeut, en sourdine, l’homosexualité. La langue parlée dans ces films est hybride, plus français que wolof, donnant à la chose une lancinante morosité. S’ils savaient combien le wolof bien parlé est savoureux ! Le décor est faux parce qu’on ne joue que dans des hôtels ou des villas luxueuses …
Heureusement que, face à ce tableau si sombre, il passe à la RTS, un feuilleton fort intéressant. Il s’agit de Bakary Taximan. Ah ! Quel délice !
Bakary est un jeune taximan qui, de par son métier, fait vivre une famille entièrement à sa charge. Vu sous un prisme occidental, on peut considérer comme inadmissible le fait qu’il soit le seul à produire dans cette famille constituée de sa mère, de sa femme, de sa sœur (si je ne m’abuse) et de ses trois enfants. A préciser que son épouse est en état de famille avec une grossesse très avancée. Donc, la famille va s’agrandir. Vu sous un autre angle, cette famille est bien harmonieuse. La maitresse de la maison s’occupe de l’éducation des enfants, la fille entre autres, des travaux domestiques et la vieille les assiste, le tout dans une bonne ambiance.
Le seul problème est que Bakary est un brave garçon mais le destin ne lui est jamais favorable. C’est un guignard. A chaque fois qu’il sort de la maison pour aller chercher la dépense, il bute sur un problème subit. Si sa roue n’est pas crevée, c’est un policier qui l’arrête pour défaut de telle ou telle pièce. Le plus cocasse c’est quand on l’a déguerpi de son logement faute de payement du loyer et qu’il s’est rendu avec sa famille chez Djiby Sèye, son demi-frère revenu de France plein de pognon mais acculturé jusqu’à la moelle des os.
Après tractations et maints conciliabules, il accepte de les héberger tout en précisant qu’il n’aime pas le bruit, pas même le chant des oiseaux. (Un grand humoriste)
L’épisode de ce Dimanche a répondu pleinement à mon attente. Dans une sorte de comédie musicale, la famille de Bakary a repris la chanson attendrissante de feu Thione Seck. Le comique le disputait au pathétique. « Mon demi-frère, ne dîne pas sans moi car je risque de dormir le ventre creux alors que nous avons le même père… » Djiby Sèye, quoique très tubaab, a senti quelques cordes sensibles vibrer en lui, contrairement à sa fille qui est insensible à cet appel à nos valeurs …
Ce qui est surtout plaisant dans ce film est que tout est naturel et authentique. Le cadre spatial est un milieu de la banlieue ou d’une petite ville. La façade des bâtiments est défraîchie, les costumes sont adaptés aux personnages, le wolof est impeccable, la trame est active, les acteurs bougent et nous entrainent tantôt dans la joie, la leur, tantôt dans leur peine et il y a du comique à tout moment sans vulgarité ni trop de bouffonnerie. Et puis j’adore les mots d’esprit qui accompagnent les actions. Djiby Sèye, grand frimeur, est un homme élancé. Sa grande taille se remarque tout de suite. Alors dites-moi, entre la mère de Bakary et sa femme, qui mieux l’a qualifié ?
La première l’a traité de ‘’Njamala’’ (girafe), l’autre de ‘’balai ounke’’ (tête-de-loup ; ce long balai qui sert à enlever les toiles d’araignée)
Ne ratez plus Bakary Taximan. Ça passe Samedi et Dimanche sur la RTS après le dernier JT.
Mbegaan Koddu
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