Cependant, j’ai ramassé sous le sabot de la chèvre…
Au sortir de ce grand rassemblement de têtes bien faites comme un mess d’officiers, les autorités et les agents du Livre peuvent, chacun à part, avec une emphase bien admise, clamer haut et fort : « Veni, vidi, vici », tel Jules César célébrant sa victoire après une bataille décisive. C’était crucial mais difficile à réaliser. Nous l’avons fait. Hamdulilah.
Pendant deux journées de retrouvailles, de brassage, de partage, de fraternité et d’amicalité, écrivains, éditeurs, diffuseurs, distributeurs et autres amis du Livre ont communié et travaillé de façon active, harmonieuse et fructueuse. Il fallait explorer les cinq domaines clés choisis par le comité scientifique comme les axes principaux et fédérateurs du Secteur Livre et Promotion de la Lecture. Il s’agissait de :
- Cadre législatif, réglementaire et institutionnel
- Création, édition et diffusion
- Réseau de lecture publique, distribution et accès au livre
- Livre numérique, innovation et patrimoine
- Langues nationales, formation et coopération
On le voit bien, tout y était.
La cérémonie ? Les lève-tard l’ont ratée. Eh ! Oui ! Le Président de la République est arrivé à l’heure indiquée dans le chronogramme c’est-à-dire 9h45. Salle pleine, portes closes, la fête du Livre a commencé dès cet instant-là dans une ambiance bien connue des grands moments du monde de la Culture. Et puis, une leçon inaugurale qui remet l’Afrique à sa tradition d’écriture, loin de cette oralité dénuée de sens qu’on nous jette à la figure. Moi ça me dit. Merci Professeur Docteur Adama Aly Pam.
Dans des mises vestimentaires simples mais culturellement bavardes de leur identité, hommes et femmes qui se connaissaient avant et ceux qui venaient de se connaitre échangeaient avec entrain dans des moments où des étoiles brillaient dans leurs yeux. C’était beau, c’était gai. Représentations théâtrales à la gloire du Livre, de la musique douce et enivrante (même les tukulër-toucouleurs s’y sont mis. Walay ! ‘’lol’’. Ah ! Ce xalam !), une exposition relatant une frange de notre histoire et des distinctions décernées aux icônes de la littérature sénégalaise… Un vrai régal.
Puis, il fallait planter le décor des travaux. Le Directeur du Livre et de la Promotion de la Lecture Monsieur Ibrahima Lô s’en chargea sous les regards avisés de Monsieur Amadou Bâ, Ministre de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme et de Monsieur Bacary Sarr Secrétaire d’Etat auprès du Ministre précité.
Enfin ce grand discours du Président de la République qui, comme un général impétueux à la tête de troupes hésitantes, tient un discours motivant qui, il faut le dire, nous a tous galvanisés « Le livre libère, inspire et façonne les aspirations des peuples ainsi que les idéaux des nations… Les écrivains ainsi que tous les acteurs de la chaine du Livre méritent d’être célébrés car d’une certaine manière, ils demeurent les gardiens de nos rêves, les dépositaires de notre patrimoine immatériel, tout en balisant les voies de notre avenir collectif.»
Aimable lecteur, je vous le dit, on était bien servis car, en amont, Monsieur le Premier Ministre Ousmane Sonko nous a gavés de confiance : « J’invite l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur du Livre à saisir pleinement l’opportunité de ce forum, pour identifier les voies et moyens de replacer le Livre et la Lecture au cœur de notre projet national, comme intrants incontournables de la construction citoyenne et du progrès collectif »
De belles perspectives donc, si nous, agents du Livre, savons saisir la balle au bond. A cela, le Directeur du Livre et de la Promotion de la Lecture a attiré notre attention : « Les enjeux sont énormes et urgents »
En allant travailler dans les COMMISSIONS, nous étions gonflés à bloc. Créateurs, sachants et acteurs de terrain, nous avons investi le champ LIVRE que nous avons bêché, labouré parsemé de graines prometteuses. Jamais un tel travail n’a été aussi systématiquement effectué au Sénégal dans le domaine qui nous occupe. Si les fruits passent la promesse des fleurs, le Sénégal brillera de couleurs littéraires tout aussi scintillantes que rutilantes dans une bonne ambiance de souveraineté nationale.
Souveraineté ? En matière de littérature en Afrique, ce mot sonne bizarre. A ce jour, nous pensons et écrivons selon les prismes occidentaux. Ce que l’on attend de nous, après ce forum, c’est de sortir des sentiers battus et de créer par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Nous devons innover dans le sens des aspirations profondes de nos peuples, aider à rêver de Nations, souveraines, fortes et prospères.
L’avenir ? Nos propositions ont été recensées, sériées et répertoriées. Il reste la mise en œuvre de toutes ces idées si lumineuses avec des mesures urgentes et efficaces sous la conduite d’une équipe bien au fait des choses. Personnellement, je tire le chapeau à l’équipe qui a préparé l’évènement et qui l’a organisé sans couac. En tout état de cause, elle a logiquement la capacité et l’expertise pour bien mener les opérations de mise en œuvre des mesures idoines pour rendre effectives les recommandations du forum.
Attention, la France officielle ne nous lâchera jamais, car ce n’est pas son intérêt. Si la littérature que l’on sait capable de couronner des rois et en même temps destituer des princes, tend à nous restituer notre souveraineté, les agents de la Culture française ici présents se mettront en ordre de marche pour nous dévier de notre trajectoire.
D’ailleurs, pour la conduite des affaires portant sur le Livre, des manœuvres sont en cours, par du lobbying et du pushing pour un positionnement stratégique.
Quand le Wolof dit « J’ai ramassé sous le sabot de la chèvre », allusion pleine d’humour qui correspond à ce que veut dire le Français dans le mot d’esprit : « Mon petit doigt m’a dit », c’est qu’il a entendu ‘’le doux chant des rameurs’’. Moi, j’ai ramassé sous le sabot de la chèvre qu’il se susurre que cet organisme français que nous connaissons tous par ses menées envahissantes sur le plan culturel chercherait à placer des agents qui ont leur entrée chez le tuteur, dans le dispositif directionnel des questions liées au Livre au Sénégal.
Alors, si, par faiblesse, nous laissons cela passer, nous ferons un pas en avant, deux pas en arrière. Il n’y aura que chamailleries et guerres de tranchées car nous ne capitulerons pas. In sha Allah, nous ne nous laisserons plus faire. On avance.
A bon entendeur, vivement une bonne mise en œuvre du programme issu de notre FORUM historique.
Mbegaan Koddu
