L’Afrique en mue, l’intelligentsia sénégalaise en régénérescence.

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« L’islam n’a pas encore montré toutes ses virtualités en Afrique. » Dixit Cheikh Anta Diop. Au Sénégal, pays que je connais mieux que bien d’autres, les foyers religieux ont été et restent les zones non atteignables par l’esprit occidental enclin à la domination mentale, à l’exploitation de nos biens, de nos forces et de nos intelligences. Au moment où l’école française à la Jules Ferry formate des esprits africains pour pérenniser la colonisation mentale, les Daaras forment des hommes et des femmes qui réfléchissent selon des schèmes conformes à note culture, conceptualisent dans nos langues maternelles riches et belles avec une intelligence exceptionnelle. C’est pourquoi on veut nous imposer des Daaras modernes pour que l’esprit occidental puisse atteindre ces poches de résistance.

Jusqu’ici, en Afrique, une pensée, quelle qu’elle soit, n’a de crédibilité que si elle est exprimée en langue étrangère, avec des citations savantes puisées chez les penseurs occidentaux. Cheikh Anta le déplorait : « La vérité sonne toujours blanche » Comme quoi, on est intello quand on sait citer Heidegger, Léo Frobenius, Descartes sans oublier les penseurs grecques. Pourtant, apprend-on, Hérodote, Diodore de Sicile et tant d’autres détenteurs de ‘’la raison hellène’’, s’intéressaient beaucoup à l’Egypte antique. Pourquoi ? Pour nous chiper nos idées ??? 😂 D’où nous vient donc notre complexe ? Est-ce le résultat d’une tromperie de l’école occidentale, surtout française ?

 Au Sénégal où la culture islamique a profondément marqué les domaines d’acquisition et de transmission des connaissances, des hommes et des femmes, formés dans des écoles dites coraniques ont joué un rôle capital dans l’ancrage civilisationnelle de la société. Mais, leur intervention dans le domaine public n’a jamais été prise au sérieux du fait du cantonnement injuste et non justifié de ces penseurs arabophones qu’on appelle arbitrairement ‘’arabisants’’. A considérer l’ important potentiel intellectuel dont regorge le monde de ce qu’on appelle, de façon sectaire et clivante « les anciens talibés », on doit se dire :  » Quel gâchis ! »
Aujourd’hui, de grands intellectuels formés dans des Daaras, journalistes, hommes politiques, capitaines d’industrie et autres ont investi l’espace public avec brio. Avant, ils n’étaient bons que pour enseigner l’arabe et diriger la prière. Tout d’un coup, ils ont cassé le plafond de verre. Les voici, sur les plateaux-télé, dans les plateformes comme pendant les manifs, engagés jusqu’à l’aorte avec une crédibilité et une authenticité qui leur donnent de l’ascendant sur les intellos et les politicards à la roublardise leuk-le-lièvrienne.

On s’en étonne et s’en offusque, car, pense-t-on, ils ne sont pas à leur « juste place ». Ce malheureux jugement étant dû au fait que jusqu’ici, en Afrique, nous n’avons pas l’habitude de trouver la vérité à partir de nos propres investigations, comme le regrettait Cheikh Anta Diop. L’Occident nous a toujours livré ses vérités, en fonction de ses intérêts. Toute autre parole qui ne sonne ni grecque ni latine peine à être valorisée.
Pourtant la station de certains grands hommes sénégalais dément avec fracas cette mentalité. Dame Babou journaliste, homme d’affaires évoluant aux Etats Unis d’Amérique qui était de la délégation qui a accompagné Bill Clinton au Sénégal, Serigne Mboup, capitaine d’industrie et maire d’une importante commune, Feu Sidy Lamine Niass Patron de presse de son vivant, sans oublier la vague d’intellectuels sans complexe qui ont été formés ici au Sénégal au sein de foyers religieux, dans des écoles dites coraniques où on apprend à penser différemment des Occidentaux et des Orientaux. J’ai particulièrement remarqué Imaam Dramé, Cheikh Thioro Mbacké et surtout l’éminent Cheikh Bara Ndiaye. L’Afrique est en mue, l’intelligentsia sénégalaise est en régénérescence.

Qu’il me soit permis d’avancer deux mots sur Cheikh Bara Ndiaye. Un jeune homme d’une culture générale prodigieuse. Il est pertinent, percutant, particulièrement éloquent et ses prédictions se réalisent de façon spectaculaire. Dans ses interventions, il livre une profonde pensée discursive, basée sur de solides capacités de réflexion et d’analyse. On le course et le jalouse tout en lui déniant sa stature d’intellectuel. Mais il est bien un intellectuel authentique.
D’ailleurs, qu’est-ce qu’un intellectuel ? Les définitions que l’on trouve dans les dictionnaires sont décevantes par rapport à l’attente légitime de ceux qui comptent sur les esprits lumineux pour s’élever un peu, se mettre au-dessus des préoccupations du quotidien pour atteindre les hauteurs de la compréhension des complications de la vie humaine, animale et végétale.  

Si l’intellectuel est celui qui sait répéter ce qu’on lui a appris, de l’école primaire à l’université, en phase doctorale, l’Afrique en a à revendre. Amadou Aly Dieng disait que l’intellectuel africain lui rappelle deux animaux : le perroquet et le singe. Il ne sait que répéter comme le perroquet et imiter tel un singe. Il a raison. Beaucoup d’entre nous, ne sommes que des « singeroquets« .

Par contre, si l’intellectuel est un producteur d’idées, capable de se mettre à l’avant-garde de son peuple, pour impacter positivement sa marche par une pensée authentique, comme Cheikh Bara Ndiaye, il nous en faut encore beaucoup. Ils sont là, mais on ne les écoute pas. Et me revient la remarque d’Amadou Hampâthé Bâ : « En Afrique, il y a des intellectuels analphabètes. » Pensons-y en intégrant la réflexion de NSA Asseko Armelle (Ecrivaine gabonaise) qui me dit un jour :

« Valorisons ce que nous avons avec nous et sublimons ce qui est en nous. »

A bon entendeur, pensons par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Qu’Allah nous guide.


 Mbegaan Koddu

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